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Publié : 26 janvier 2013

Le bief appartient au moulin si le propriétaire prouve qu’il a été creusé de main d’homme (cass, 5 mai 1975)

Cour de Cassation, 5 mai 1975

SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QU’IMPUTANT AU BÉTAIL DES CONSORTS SELLE, EXPLOITANTS D’HERBAGES RIVERAINS DU CANAL DE DÉCHARGE DU MOULIN D’HOHERVILLE BATI SUR LA DURDENT, RIVIÈRE NON DOMANIALE, LA DÉTÉRIORATION DE LA BERGE NORD DE CE CANAL, DAME HAYS, PROPRIÉTAIRE DU MOULIN, A ASSIGNE LESDITS CONSORTS POUR FAIRE JUGER QU’ELLE EST PROPRIÉTAIRE EXCLUSIVE DU CANAL DE DÉCHARGE ET DE SES FRANCS BORDS, ET POUR OBTENIR L’ATTRIBUTION DE DOMMAGES-INTÉRÊTS ;

ATTENDU QU’IL EST FAIT GRIEF A L’ARRÊT ATTAQUE D’AVOIR DÉBOUTÉ DAME HAYS DE SES PRÉTENTIONS, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE, D’UNE PART, LA COUR D’APPEL AURAIT INTERVERTI LA CHARGE DE LA PREUVE EN IMPOSANT A LADITE DAME DE DÉMONTRER QUE LE CANAL DE DÉCHARGE AVAIT ETE CONSTRUIT DE LA MAIN DE L’HOMME, CEPENDANT QUE, LE PROPRIÉTAIRE DU MOULIN BÉNÉFICIANT D’UNE PRÉSOMPTION DE PROPRIÉTÉ DU CANAL, C’ÉTAIT AUX CONSORTS SELLE QU’IL INCOMBAIT, POUR DÉTRUIRE CETTE PRÉSOMPTION, DE DÉMONTRER QUE LE CANAL CONSTITUAIT UN BRAS NATUREL DE LA DURDENT, ET QUE,

D’AUTRE PART, LA COUR D’APPEL N’A PU SANS SE CONTREDIRE ENTÉRINER LE RAPPORT DES EXPERTS ET DÉCIDER QUE DAME HAYS N’ÉTAIT PAS PROPRIÉTAIRE CAR ELLE NE RAPPORTAIT PAS LA PREUVE DE CE QUE LE BRAS LITIGIEUX AIT ÉTÉ CONSTRUIT DE LA MAIN DE L’HOMME, LES EXPERTS AYANT DÉCLARÉ DANS LEURS CONCLUSIONS QUE LA JURISPRUDENCE DE LA COUR DE CASSATION PERMET D’ÉTABLIR EN FAVEUR DE DAME HAYS, EN TANT QUE PROPRIÉTAIRE DU CANAL DE DÉCHARGE, EN SORTE QU’IL APPARTIENDRAIT AUX CONSORTS SELLE DE FAIRE LA PREUVE CONTRAIRE OU DE JUSTIFIER DE LEUR ACQUISITION, PAR PRESCRIPTION, D’UNE MOITIE DU BRAS LITIGIEUX ;

MAIS ATTENDU QUE CELUI QUI INVOQUE UNE PRÉSOMPTION LÉGALE DOIT ÉTABLIR L’EXISTENCE DU FAIT D’OU LA LOI TIRE CETTE PRÉSOMPTION ;

QU’IL INCOMBAIT DONC A DAME HAYS DE PROUVER QUE LE CANAL LITIGIEUX AVAIT ÉTÉ CRÉE ARTIFICIELLEMENT POUR LE SERVICE DE SON MOULIN, LE LIT NATUREL D’UN COURS D’EAU, FUT-IL AMÉNAGÉ ET UTILISE COMME CANAL DE DÉCHARGE D’UN MOULIN, N’ETANT PAS, A LA DIFFÉRENCE DU CANAL CREUSE PAR L’HOMME, PRÉSUME APPARTENIR EXCLUSIVEMENT AU PROPRIÉTAIRE DE CE MOULIN ;

QU’AINSI, C’EST PAR UNE EXACTE APPLICATION DES RÈGLES DE LA PREUVE QU’APPRÉCIANT SOUVERAINEMENT LA VALEUR DES ÉLÉMENTS QUI LUI ÉTAIENT SOUMIS, ET RELEVANT NOTAMMENT L’ASPECT DU CANAL, SON TRACE SINUEUX, AINSI QUE L’ABSENCE DE TOUTE MENTION DE SON CREUSEMENT, DANS LES DOCUMENTS RELATIFS A L’ÉDIFICATION DU MOULIN EN 1807, LA COUR D’APPEL A ESTIME QUE DAME HAYS N’AVAIT PAS RAPPORTE LA PREUVE DE LA CRÉATION ARTIFICIELLE DU CANAL PAR ELLE ALLÉGUÉE, A ENTÉRINE LE RAPPORT DES EXPERTS ET A DÉCIDÉ QUE "LE BRAS EN LITIGE, DIT CANAL DE DÉCHARGE, EST UN BRAS NATUREL" DE LA RIVIÈRE UTILISE COMME DÉCHARGE, ET QU’EN CONSÉQUENCE DAME HAYS N’EN EST PAS LA PROPRIÉTAIRE EXCLUSIVE ;

ATTENDU, D’AUTRE PART, QUE LES JUGES D’APPEL, QUI N’ÉTAIENT PAS LIES PAR LES CONCLUSIONS DU RAPPORT D’EXPERTISE, NE SE SONT PAS CONTREDITS EN RETENANT LES CONSTATATIONS DES EXPERTS ÉTABLISSANT LE CARACTÈRE NATUREL DU BRAS DE RIVIÈRE UTILISE COMME CANAL DE DÉCHARGE DU MOULIN, TOUT EN ÉCARTANT LEURS APPRÉCIATIONS, EXCÉDANT LE CADRE DE LEUR MISSION, RELATIVES A L’INCIDENCE, SUR LA PORTÉE DE CES CONSTATATIONS, DE LA PRÉSOMPTION DE PROPRIÉTÉ RECONNUE A L’USINIER SUR LES CANAUX PERMETTANT LE FONCTIONNEMENT DE SON USINE ;

D’OU IL SUIT QUE LE MOYEN N’EST PAS FONDE ;

SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QU’IL EST ENCORE REPROCHE A L’ARRÊT DE N’AVOIR PAS RECONNU A DAME HAYS LE BÉNÉFICE DE LA PRESCRIPTION ACQUISITIVE, EN AFFIRMANT NOTAMMENT QUE LA POSSESSION NE POUVAIT S’ÉTABLIR A L’ORIGINE QUE PAR DES ACTES D’OCCUPATION RÉELLE, ALORS, SELON LE MOYEN, QUE SI D’UNE FAÇON GÉNÉRALE LA POSSESSION UTILE POUR POUVOIR PRESCRIRE UN IMMEUBLE SUPPOSE A L’ORIGINE DES ACTES D’OCCUPATION RÉELLE, IL EN EST AUTREMENT LORSQU’IL S’AGIT POUR UN RIVERAIN DE PRESCRIRE LA PROPRIÉTÉ DE L’AUTRE MOITIE DU LIT D’UNE RIVIÈRE NON DOMANIALE, LA POSSESSION EN CETTE MATIÈRE SUPPOSANT SEULEMENT DES ACTES DE CONTRADICTION FORMELLE AUX DROITS DU RIVERAIN D’EN FACE, ACTES QUI PERMETTENT A LEUR AUTEUR D’INVOQUER LA PRESCRIPTION TRENTENAIRE ;

MAIS ATTENDU QU’APRÈS AVOIR A BON DROIT ÉNONCE QUE LA POSSESSION NE PEUT CONDUIRE UTILEMENT A L’USUCAPION QU’AUTANT QU’ELLE PRÉSENTE LES DIVERS CARACTÈRES PRÉVUS A L’ARTICLE 2229 DU CODE CIVIL, LES JUGES D’APPEL, EN RAISON DES TRAVAUX APPARENTS ET PERMANENTS EFFECTUES PAR SES AUTEURS ET DE L’ASSÈCHEMENT QUASI TOTAL DU BRAS D’EAU QUI RÉSULTAIT AUTREFOIS DU FONCTIONNEMENT DU MOULIN, USUCAPE L’AUTRE MOITIE DE CE BRAS DE RIVIÈRE, DÉCLARENT QUE CES FAITS DE POSSESSION, CONTESTES PAR LES CONSORTS SELLE, SONT IMPRÉCIS, BEAUCOUP TROP LOINTAINS, NE CORRESPONDENT PAS AUX CONSTATATIONS DES EXPERTS ET N’ONT LAISSE AUCUNE TRACE DÉCISIVE ;

ATTENDU QU’ESTIMANT AINSI, DANS L’EXERCICE DE LEUR POUVOIR SOUVERAIN D’APPRÉCIATION, QUE LA PREUVE N’ÉTAIT PAS RAPPORTÉE PAR DAME HAYS D’UNE POSSESSION UTILE AU SENS DE L’ARTICLE 2229 DU CODE CIVIL, LES JUGES DU SECOND DEGRÉ ONT, PAR CE SEUL MOTIF, LÉGALEMENT JUSTIFIE LEUR DÉCISION ;
D’OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L’ARRÊT RENDU LE 15 JANVIER 1974 PAR LA COUR D’APPEL DE ROUEN ;

résumé

CELUI QUI INVOQUE UNE PRÉSOMPTION LÉGALE DOIT ÉTABLIR L’EXISTENCE DU FAIT D’OU LA LOI TIRE CETTE PRÉSOMPTION. IL INCOMBE DONC A LA PROPRIÉTAIRE D’UN MOULIN, BÂTI SUR UNE RIVIÈRE NON DOMANIALE, DE PROUVER QUE LE CANAL DE DÉCHARGE AVAIT ÉTÉ CRÉE ARTIFICIELLEMENT POUR LE SERVICE DE SON MOULIN, LE LIT D’UN COURS D’EAU, FUT-IL AMÉNAGÉ ET UTILISE COMME CANAL DE DÉCHARGE D’UN MOULIN, N’ETANT PAS, A LA DIFFÉRENCE DU CANAL CREUSE PAR L’HOMME, PRÉSUMÉ APPARTENIR EXCLUSIVEMENT AU PROPRIÉTAIRE DE CE MOULIN. L’ASPECT DU CANAL, SON TRACE SINUEUX, AINSI QUE L’ABSENCE DE TOUTE MENTION DE SON CREUSEMENT DANS LES DOCUMENTS RELATIFS A L’ÉDIFICATION DU MOULIN SONT DES ÉLÉMENTS SOUVERAINEMENT APPRÉCIÉS PAR LA COUR D’APPEL ESTIMANT QUE N’EST PAS RAPPORTÉE LA PREUVE DE LA CRÉATION ARTIFICIELLE DU CANAL LITIGIEUX ET QUE CELUI-CI CONSTITUE UN BRAS NATUREL.

2) EAUX - COURS D’EAU - COURS D’EAU NI NAVIGABLE NI FLOTTABLE - LIT - PROPRIÉTÉ - PRESCRIPTION ACQUISITIVE - CONDITION.

LA POSSESSION NE PEUT CONDUIRE UTILEMENT A L’USUCAPION QU’AUTANT QU’ELLE PRÉSENTE LES CARACTÈRES PRÉVUS A L’ARTICLE 2229 DU CODE CIVIL. LA COUR D’APPEL ESTIME SOUVERAINEMENT QUE LA PREUVE N’EST PAS RAPPORTÉE DE LA PRESCRIPTION DE LA PROPRIÉTÉ DU LIT D’UNE RIVIÈRE NON DOMANIALE DES LORS QUE LES FAITS DE POSSESSION CONTESTES SONT IMPRÉCIS, BEAUCOUP TROP LOINTAINS, NE CORRESPONDENT PAS AUX CONSTATATIONS DES EXPERTS ET N’ONT LAISSE AUCUNE TRACE DÉCISIVE.

Précédents jurisprudentiels : CF. Cour de Cassation (Chambre civile 3) 1972-03-07 Bulletin 1972 III N. 158 P. 114 (REJET) CF. Cour de Cassation (Chambre civile 3) 1972-03-21 Bulletin 1972 III N. 197 (2) P. 139 (REJET)