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Publié : 12 février 2013

Pont non conforme aux prescriptions (2004)

Cour Administrative d’Appel de Marseille 18 octobre 2004

Considérant que la SCI DANUBE relève appel du jugement en date du 16 novembre 1999 par lequel le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l’annulation de l’arrêté en date du 26 février 1996 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l’a mise en demeure de procéder au rétablissement du libre écoulement des eaux du cours d’eau non domanial La Frayère par modification de l’ouvrage existant et mise en conformité de ce dernier avec l’autorisation initiale, soit une ouverture de 9 m minimum de largeur sur 2 m minimum de hauteur au-dessus du fil d’eau naturel ;

que, pour sa part, M. X demande à la Cour de constater l’illégalité de l’arrêté préfectoral dont s’agit ;

Sur la recevabilité des conclusions et des moyens formulés par M. X :

Considérant que M. X, en sa qualité de bénéficiaire de l’autorisation initiale, a été appelé, par le Tribunal administratif de Nice, à produire des observations dans l’instance ouverte par la demande de la SCI DANUBE tendant à l’annulation de l’arrêté préfectoral en date du 26 février 1996 précité ;

qu’il en a été de même devant la Cour de céans, dans le cadre de la présente instance ;

Considérant, d’une part, que la circonstance que, tant la demande de première instance que la requête d’appel aient été communiquées à M. X, ne lui a pas donné la qualité de partie aux dites instances ;

que l’intéressé n’est, par suite, pas recevable à formuler des conclusions propres tendant à ce que la Cour constate l’illégalité de l’arrêté préfectoral en litige, au demeurant nouvelles en appel ;

que, d’autre part, M. X ne peut être regardé, dès lors qu’il a été appelé à la cause par la juridiction, comme un intervenant volontaire ; qu’il n’est, par suite, pas recevable à formuler des moyens propres quelle que soit la cause juridique sur lesquels ils reposent ;

Sur la légalité de l’arrêté préfectoral en date du 26 février 1996 :

Considérant qu’il résulte de l’instruction que, par une décision en date du 4 octobre 1988, le préfet des Alpes-Maritimes a autorisé M. X, sur le fondement des articles 106 et 107 alors en vigueur du code rural, à réaliser un pont pour franchir la Frayère, cours d’eau non domanial, afin d’accéder à ses établissements situés en rive gauche du cours d’eau, sur le territoire de la commune d’Auribeau-Sur-Siagne ;

que cet ouvrage prend appui en rive droite sur le chemin communal du Carel et en rive gauche, sur les parcelles cadastrées B n° 255 et 267 appartenant à M. X ;

que, le 18 juillet 1991, M. X a vendu notamment les parcelles n° 255 et 267 à la Société d’aménagement foncier du littoral en vue de la réalisation d’un ensemble immobilier sur les autres parcelles également cédées par M. X ;

que, le 6 mai 1992, la Société d’aménagement foncier du littoral a vendu l’ensemble des parcelles en cause à la SCI DANUBE ;

que, le 12 décembre 1992, après une visite des lieux, le service de la police des eaux a constaté que le pont en litige n’avait pas été édifié conformément aux prescriptions fixées dans la décision d’autorisation ;

que, le 6 février 1995, les services de la Direction départementale de l’Agriculture et de la Forêt ont adressé à la SCI DANUBE, en sa qualité de propriétaire du domaine de la Frayère, une mise en demeure en vue de modifier l’ouvrage en cause en augmentant de 0,90 m la hauteur sous poutres, le pont ne permettant pas d’assurer le passage des crues ;

que, par l’arrêté en date du 26 février 1996 contesté, le préfet des Alpes-Maritimes, estimant que l’ouvrage édifié empêchait le libre écoulement des eaux lors des crues et compromettait la sécurité publique, a mis en demeure, sur le fondement des dispositions des articles 10, 27 et 18 de la loi sur du 3 janvier 1992 susvisée, la SCI DANUBE de procéder immédiatement au rétablissement du libre écoulement des eaux par modification de l’ouvrage existant et mise en conformité avec l’autorisation initiale, soit une ouverture de 9 m minimum de largeur sur 2 m minimum de hauteur au-dessus du fil d’eau naturel ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.216-1 du code de l’environnement, reprenant les dispositions de l’article 27 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée, : I. - Indépendamment des poursuites pénales, en cas d’inobservation des dispositions prévues par les articles.... L.214-1 à L.214-9 ... ou les règlements et décisions individuelles pris pour leur application, le préfet met en demeure d’y satisfaire dans un délai déterminé. II . - Si, à l’expiration du délai fixé, il n’a pas été obtempéré à cette injonction par l’exploitant ou par le propriétaire de l’installation s’il n’y a pas d’exploitant, le préfet peut : 1° L’obliger à consigner entre les mains d’un comptable public une somme correspondant à l’estimation du montant des travaux à réaliser, laquelle sera restituée au fur et à mesure de leur exécution ; il est, le cas échéant, procédé au recouvrement de cette somme comme en matière de créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine ; 2° Faire procéder d’office, sans préjudice de l’article L.211-5, aux frais de l’intéressé, à l’exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application des dispositions ci-dessus peuvent être utilisées pour régler les dépenses entraînées par l’exécution d’office ; 3° Suspendre, s’il y a lieu, l’autorisation jusqu’à exécution des conditions imposées. ;

qu’aux termes de l’article L.214-1 du même code, reprenant les dispositions de l’article 10 I de la loi du 3 janvier 1992 précitée : Sont soumis aux dispositions des articles L.214-2 à L.214-6 les installations ne figurant pas à la nomenclature des installations classées, les ouvrages, travaux et activités réalisées à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restituées ou non, une modification du niveau ou du mode d’écoulement des eaux ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. ;

qu’aux termes de l’article L.214-2 dudit code, reprenant les dispositions de l’article 10 II de la loi du 3 janvier 1992 : Les installations, ouvrages, travaux et activités visés à l’article L.214-1 sont définis dans une nomenclature, établie par décret en conseil d’Etat après avis du Comité national de l’eau, et soumis à autorisation ou à déclaration suivant les dangers qu’ils présentent et la gravité de leurs effets sur la ressource en eau et les écosystèmes aquatiques... ;

qu’aux termes de l’article L.214-3 de ce code, reprenant les dispositions de l’article 10 III de la loi du 3 janvier 1992 : Sont soumis à autorisation de l’autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d’accroître notablement le risque d’inondation, de porter atteinte gravement à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique./ Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n’étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L.211-2 et L.211-3./ Si les principes mentionnés à l’article L.211-1 ne sont pas garantis par l’exécution de ces prescriptions, l’autorité administrative peut imposer, par arrêté, toutes prescriptions spécifiques nécessaires./ Les prescriptions nécessaires à la protection des principes mentionnés à l’article L.211-1, les moyens de surveillance, les modalités des contrôles techniques et les moyens d’intervention en cas d’incident ou d’accident sont fixés par l’arrêté d’autorisation et, éventuellement, par des actes complémentaires pris postérieurement à cette autorisation... ;

qu’aux termes de l’article 40 du décret n° 93-742 du 29 mars 1993 pris pour l’application de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 précitée : Les autorisations délivrées..... en application du décret du 1er août 1905 portant règlement d’administration publique en exécution de l’article 12 de la loi du 8 avril 1898 sur le régime des eaux....sont assimilées, pour les ouvrages, installations, travaux, aménagements ou activités existantes, aux autorisations délivrées.....en application de l’article 10 de la loi du 3 janvier 1992 susvisée si elles sont antérieures à l’entrée en vigueur du présent décret. ;

Considérant, en premier lieu, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert désigné par le juge judiciaire dans le cadre d’un litige civil opposant la SCI DANUBE à M. X et produit au dossier, que le pont réalisé par M. X n’a pas été édifié conformément aux prescriptions de l’autorisation qui lui avait été délivrée par le préfet le 4 octobre 1988 ;

qu’il a en effet été constaté d’une part que la pile centrale prévue initialement avait été supprimée et que d’autre part, en raison de l’épaisseur du tablier du pont réalisé, l’ouvrage n’était pas conforme à l’autorisation délivrée qui était prévue pour un niveau de lit de la Frayère à la cote de 47,50 devant permettre un passage libre de 18 m2 pour l’écoulement des eaux alors qu’une telle capacité d’écoulement ne pouvait être atteinte par la construction réalisée que dans l’hypothèse rarement rencontrée où le niveau du lit serait à la cote de 47,25 ;

que, du fait de l’inobservation des prescriptions fixées par l’autorisation délivrée le 4 octobre 1988, laquelle, en application des dispositions sus-rappelées de l’article 40 du décret du 29 mars 1993, doit être assimilée aux autorisations délivrées sur le fondement des dispositions des articles L.214-1 à L.214-3 du code de l’environnement, le préfet pouvait légalement, par l’arrêté contesté du 26 février 1996, prononcer la mise en demeure prévue par les dispositions de l’article L.216-1 du même code ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’en l’absence d’exploitant de l’ouvrage en litige, le préfet était en droit d’adresser, sur le fondement de l’article L.216-1 du code de l’environnement, ladite mise en demeure à la SCI DANUBE en sa qualité de propriétaire dudit ouvrage ;

Considérant à cet égard, d’une part, que la SCI DANUBE ne critique pas en appel les motifs de rejet retenu par le tribunal administratif opposé à son argumentation selon laquelle le préfet aurait, à tort considéré qu’elle devait être regardée comme propriétaire de l’ouvrage en litige dès lors qu’elle était propriétaire des parcelles servant d’assise au pont et se borne à reprendre l’argumentation développée en première instance ;

que, par suite, il y a lieu de rejeter cette argumentation concernant cette première branche du moyen par les motifs retenus par les premiers juges ;

qu’il en est de même s’agissant de son argumentation tendant à soutenir que la commune d’Auribeau-Sur-Siagne devait être regardée comme étant propriétaire en partie de l’ouvrage en cause ;

Considérant, d’autre part, qu’il ne résulte pas de l’examen du jugement attaqué que les premiers juges se seraient à tort placés, pour examiner la demande de la SCI DANUBE, qui relève du contentieux de pleine juridiction selon les modalités fixées par l’article L.216-2 du code de l’environnement, à la date de l’arrêté contesté et non à la date de leur jugement ;

qu’à cet égard, les règlements de copropriété, invoqués par la SCI DANUBE, qui sont datés des années 1992 et 1993, soit, en tout état de cause, à une date antérieure à l’intervention de l’arrêté contesté, et qui ont été au demeurant pris en compte par les premiers juges, ne sont pas de nature à établir l’erreur alléguée par la SCI appelante ;

Considérant, en outre, qu’il résulte de l’instruction, et notamment de l’état descriptif de copropriété en date du 26 juin 1992, de l’état modificatif en date du 9 février 1993 ainsi que de l’état descriptif de division du règlement de copropriété du 2 février 1993 tel que modifié le 2 avril 1993, produit en appel par la SCI DANUBE, que cette dernière est propriétaire de la parcelle n° 762, provenant du morcellement de la parcelle n° 255, qui constitue l’une des parcelles sur lesquelles l’ouvrage en litige prend appui ;

qu’à cet égard, la SCI DANUBE n’établit pas, par le plan produit au dossier, que la parcelle n° 762 ne supporterait pas l’ouvrage en cause ;

que, par suite, en sa qualité de propriétaire de ladite parcelle, elle a pu légalement être rendue destinataire de la mise en demeure contestée ;

que la circonstance que ladite mise en demeure n’ait pas été adressée également aux autres propriétaires actuels de l’ouvrage en cause est sans influence sur la légalité de l’arrêté contesté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que c’est légalement que, sur le fondement des dispositions précitées du code de l’environnement, le préfet l’a mise en demeure de mettre l’ouvrage en cause en conformité avec l’autorisation initiale ;

que, par suite, et sans qu’il soit besoin pour la cour de se prononcer sur la validité de l’autre motif fondé sur l’article 18 de la loi du 3 janvier 1992, repris à l’article L.211-5 du code de l’environnement, les moyens tirés de ce que les entraves à la libre circulation des eaux seraient dues non à l’existence de l’ouvrage mais au défaut d’entretien du cours d’eau par la commune et les copropriétaires et à la carence du service de police des eaux sont inopérants ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SCI DANUBE n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SCI DANUBE est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. X sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI DANUBE, à la commune d’Auribeau-sur-Siagne, à M. Elie X et au ministre de l’écologie et du développement durable.


Le propriétaire d’ un ouvrage hydraulique (pont) réalisé sur un cours d’ eau non domanial sur le fondement des articles 106 et 107 du code rural en vigueur à l’ époque, eux-mêmes issus de la loi du 8 avril 1898, et assimilé à un ouvrage réalisé au titre de la loi du 3 janvier 1992 (article 40 du décret du 29 mars 1993 « procédures « ), peut se voir de ce fait imposer la procédure de mise en demeure prévue à l‘article L. 216-1 du code de l’ environnement, d’ avoir à se conformer aux prescriptions de l’ arrêté d’ autorisation initial.