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Publié : 1er mars 2013

Un préfet peut réglementer la pratique des sports nautiques

Cour Administrative d’Appel de Nancy - 2 juin 2004

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête et le mémoire complémentaire enregistrés au greffe de la Cour les 9 avril 1999, 21 janvier 2002 et 31 octobre 2003 présentés par la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK ...
Ils demandent à la Cour :
1°/ d’annuler le jugement du 4 février 1999 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté leur demande tendant à l’annulation des articles 2, 3, 11, et 12 de l’arrêté du 13 juin 1990 du préfet du Doubs portant réglementation de la navigation sur le Doubs, et à l’annulation de la décision du 5 décembre 1994 par laquelle le préfet du Doubs a rejeté leur demande tendant à l’abrogation de cet arrêté ;
2°/ d’annuler les articles 2, 3, 11, 12 de l’arrêté, et la décision du 5 décembre 1994 ;

Ils soutiennent que :
- la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 a créé une situation nouvelle dont le préfet n’a pas tenu compte en refusant d’abroger les articles qui la méconnaissent, et en méconnaissant l’autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ;
- en excluant toute autre activité que le Canoë-Kayak, telle le rafting et la nage en eau vive, activités sportives reconnues par le ministère de la jeunesse et des sports, l’article 2 émet une interdiction générale et absolue non justifiée, contraire aux articles 2 et 6 de la loi susvisée ;
- le tribunal a commis une erreur en justifiant les limitations imposées aux activités de Canoë-Kayak par l’article 3 par les droits et intérêts de chacun, des impératifs liés à la sécurité et protection de l’environnement dès lors que, si l’article 6 de la loi sur l’eau et le décret du 21 septembre 1973 autorisent le préfet à réglementer les activités nautiques légères, cette autorisation est donnée dans le sens de la garantie de libre circulation des engins ; au surplus le préfet n’établit la réalité d’un impact de nature à justifier sa limitation ;
- en soumettant par l’article 11 de son arrêté l’organisation des manifestations nautiques à l’autorisation de tiers tels les riverains, pêcheurs, le préfet méconnaît l’étendue de sa compétence, le principe de conciliation des usages établi par la loi sur l’eau et rappelé par la loi sur le renforcement de la protection de l’environnement, enfin l’intérêt à tirer pour toute la région desservie des activités nautiques qui doivent être privilégiées ;
- en ce qui concerne l’article 13 de l’arrêté, il appartient au préfet de préciser les restrictions temporaires qu’il entend instituer ;


La ministre fait valoir que la requête est infondée et se réfère notamment aux observations déposées par le préfet du Doubs devant le tribunal le 31 mai 1995 qu’elle joint et auxquelles elle se réfère expressément ;


Sur les conclusions tendant à l’annulation des articles 2, 3, 11 et 12 de l’arrêté du 13 juin 1990 :
Considérant que si les associations requérantes persistent à demander l’annulation des articles 2, 3, 11 et 12 de l’arrêté du 13 juin 1990 du préfet du Doubs, elles ne critiquent pas les motifs du jugement par lequel le Tribunal administratif de Besançon a rejeté pour irrecevabilité tirée de leur tardiveté, lesdites conclusions ; que, pour les mêmes motifs que ceux retenus par les premiers juges qu’il a lieu d’adopter, ces conclusions doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision du 5 décembre 1994 :
Considérant qu’aux termes de l’article 3 du décret du 28 novembre 1983 : L’autorité compétente est tenue de faire droit à toute demande tendant à l’abrogation d’un règlement illégal, soit que le règlement ait été illégal dès la date de sa signature, soit que l’illégalité résulte des circonstances de droit ou de fait postérieures à cette date. ;
Considérant qu’en application de cette disposition, les associations requérantes ont saisi le préfet du Doubs qui l’a rejetée par la décision du 5 décembre 1994 attaquée, d’une demande de retrait, qui doit en réalité être regardée comme une demande d’abrogation, des articles 2, 3, 11 et 12 de l’arrêté du 13 juin 1990 par lequel il a réglementé la pratique de la navigation de loisir sur le Doubs entre le barrage du Refrain et Clairbief, dans une partie du cours d’eau ni navigable ni flottable ;

Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la loi du 3 janvier 1992 codifiée aux articles L.210-1 et suivants du code de l’environnement : (...) L’usage de l’eau appartient à tous dans le cadre des lois et règlements ainsi que des droits antérieurement établis. ;

qu’aux termes de l’article 3 de la dite loi : Un ou des schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux fixent pour chaque bassin ou groupement de bassins les orientations fondamentales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau, telle que prévue à l’article 1er. (...) Les autres décisions administratives doivent prendre en compte les dispositions de ces schémas directeurs. Le ou les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux sont élaborés, à l’initiative du préfet coordonnateur de bassin, par le comité de bassin compétent dans un délai de cinq ans à compter de la date de publication de la présente loi.(...) ;

qu’aux termes de l’article 6 de ladite loi En l’absence de schéma d’aménagement et de gestion des eaux approuvé, la circulation sur les cours d’eau des engins nautiques de loisir non motorisés s’effectue librement dans le respect des lois et règlements de police et des droits des riverains. ;

qu’enfin, aux termes de l’article 12 du décret du 21 septembre 1973 La police de la navigation sur les fleuves, rivières, (...) est régie (...) par les règlements particuliers pris pour son exécution. Les règlements particuliers sont : 1° Des arrêtés préfectoraux lorsqu’il y a lieu de prescrire des dispositions de police applicables à l’intérieur d’un seul département (...) ;

qu’il résulte de la combinaison desdits textes qu’à défaut d’approbation d’un schéma d’aménagement et de gestion des eaux dans le délai fixé par la loi, la circulation sur les cours d’eau d’engins nautiques de loisirs motorisés reste soumise aux lois et règlements en vigueur au nombre desquels se trouve, en application du décret du 21 septembre 1973 modifié susénoncé, les arrêtés des différentes autorités préfectorales ;

Considérant que si les dispositions susénoncées garantissent les activités légitimes au nombre desquelles se trouvent les activités d’eau que les associations requérantes ont pour mission d’organiser et de défendre, et la libre navigation sur les cours d’eau des engins nautiques de loisir non motorisés, il ne résulte pas de l’application combinées des articles 3 et 6 de la loi du 3 janvier 1992 modifiée qu’en l’absence d’approbation du schéma d’aménagement et de gestion des eaux dans le bassin du Doubs, la circulation sur son cours d’engins nautiques de loisirs motorisés ne soit plus assujettie aux dispositions de l’arrêté du 13 juin 1990 du préfet du Doubs ;

que, par suite, la loi du 3 janvier 1992 ne constitue pas une circonstance de droit postérieure rendant, par elle même, illégales les dispositions de l’arrêté préfectoral et justifiant l’abrogation sollicitée ;

Considérant en deuxième lieu, que les associations requérantes ne sont pas fondées à se prévaloir de l’autorité de la chose jugée qui s’attacherait au jugement rendu le 2 mai 1995 par le tribunal de police de Montbéliard dès lors que d’une part, par son arrêt du 2 mai 1995, la cour d’appel de Colmar a écarté l’exception tirée de l’illégalité des dispositions de l’arrêté préfectoral en cause, que d’autre part, l’autorité de la chose jugée par une juridiction pénale ne s’impose au juge administratif qu’en ce qui concerne les constatations de fait d’une décision portant condamnation devenu définitive ;

Considérant en troisième lieu, que les associations requérantes se prévalent tant d’illégalités dont l’arrêté était entaché au moment de sa signature, que par l’effet de circonstances de fait postérieures ;
Considérant qu’en ce qui concerne l’article 2 de l’arrêté en cause, le préfet du Doubs a exclu sur l’ensemble du cours d’eau soumis à sa réglementation, la pratique de toutes activités sportives reconnues par le ministère de la jeunesse et des sports autres que celle du canoë-Kayak, telles le rafting et la nage en eau vive ;

que cette mesure n’est pas en elle même contraire aux articles 2 et 6 de la loi susvisée ;

qu’elle n’édicte pas une interdiction générale d’activités sportives d’engins nautiques de loisir non motorisés ;

qu’elle est justifiée par la protection particulière qu’il convient d’apporter dans ce secteur déterminé au milieu naturel, notamment à la préservation des écosystèmes aquatiques et aux activités de tous les tiers intéressés ;

qu’ainsi, les dispositions de l’article 2 ne sont pas entachées d’illégalité ;

Considérant qu’en ce qui concerne l’article 3 de l’arrêté, après une concertation fructueuse avec tous les intéressés, et la prise en compte des intérêts de chacun qu’il lui appartient d’apprécier sous le contrôle du juge, le préfet a précisé les conditions d’utilisation dans le temps et dans l’espace du plan d’eau ;

qu’en l’espèce, il ne résulte pas des dispositions en cause, et les associations sportives n’établissent pas qu’en organisant durant la période d’ouverture de la pêche du 1er mars au 30 septembre, notamment en fonction de l’étiage, la pratique des activités sportives en quatre secteurs d’activités, à des horaires imposés, alors que cette pratique est libre à la période de fermeture de la pêche du 1er octobre à fin février, le préfet a méconnu les intérêts divergents des sportifs, des pécheurs, des riverains et des autres parties intéressées par la mesure ;

Considérant qu’en ce qui concerne l’article 11 de l’arrêté, en fonction des sujétions d’ordre public inhérentes à toute manifestation publique, des risques potentiels toujours encourus tant par les sportifs que par les spectateurs, le préfet n’a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l’espèce, et n’a pas excédé les pouvoirs de police qu’il tient des dispositions du décret du 21 septembre 1973 en soumettant à son autorisation préalable, les manifestations nautiques ;

qu’en mentionnant que, lorsque les manifestations nautiques doivent emprunter la section située entre le pont de Gaumois et Clairbief les dérogations devront être demandées par la ligue de Franche-Comté, et accordées par le préfet après accord des maires intéressés, de l’association des propriétaires riverains de l’association de pêche La Franco-Suisse, l’alinéa 3 du même article n’a pas eu pour objet, et ne pouvait d’ailleurs légalement avoir pour effet de déléguer une compétence qu’il appartenait à l’autorité investie du pouvoir de police d’exercer, et n’a pas soumis les activités nautiques en cause à une autorisation préalable ;

que, par suite, les associations requérantes ne sont pas fondées à soutenir que cet article méconnaît la répartition des compétences ;

Considérant qu’en ce qui concerne l’article 12 de l’arrêté qui donnait compétence à la direction départementale de l’équipement pour prendre des mesures temporaires à porter à la connaissance des usagers, il ressort des pièces du dossier que par arrêté du 12 mars 1999, le préfet du Doubs l’a abrogé ; que les conclusions de la requête qui y étaient relatives sont devenues sans objet ;

Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les associations requérantes ne sont pas fondées à demander l’annulation du jugement du 4 février 1999 du Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne ;

D E C I D E :

ARTICLE 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l’abrogation de l’article 12 de l’arrêté du préfet du Doubs en date du 13 juin 1990.

ARTICLE 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la FEDERATION FRANÇAISE DE CANOË-KAYAK, de la Ligue de Franche-Comté de Canoë-Kayak, et du Comité départemental de Canoë-Kayak du Doubs est rejeté.