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Publié : 19 janvier 2013

Une lettre du Ministère explique les conditions nécessaires, d’après lui, pour que soit constituée la preuve du titre (mai 2006)

Fondé en titre ou non : La position du Ministère de l’Ecologie

Lettre du Ministère à un adhérent

Sous-direction des milieux aquatiques
et de la gestion de l’eau Paris, le 2 mai 2006

Bureau de la prévention des inondations

et de la gestion des rivières

Affaire suivie par :

Claire-Cécile Garnier

Tél : 01.42.19.12.14 – Fax : 01.42.12.35.

Madame, Monsieur

... vous avez fait part à la ministre de l’écologie et du développement durable, des soucis rencontrés pour la mise en place d’une roue au moulin de xxx que vous venez d’acquérir pour en faire un gîte.

Vous faites valoir que votre moulin est fondé en titre car existant avant 1789, mais qu’un arrêté fixant un règlement d’eau au titre de la loi de 1919 ayant été pris en 1932 pour la reconstruction des vannages de l’ouvrage démoli après une crue en 1928, les services de l’Etat affirment que votre ouvrage est autorisé par cet arrêté et devra faire l’objet d’une nouvelle procédure d’autorisation au titre de la loi de 1919 si vous voulez le conserver et l’exploiter au-delà de 2008.

D’après les documents que vous avez fournis, il existe une forte présomption d’existence de votre moulin en 1768 mais son appellation « Vieux moulin » dans la description du plan Terrier et le fait qu’il n’apparaisse pas clairement sur la carte, ne me permet pas d’en avoir la certitude. Le dessin de la yyy de 1776 sur lequel son vannage apparaîtrait selon vous, n’était pas joint à votre dossier. Il appartient au service chargé de la police de l’eau (DDAF) d’examiner plus en détail ce point et de conclure si cette présomption peut être transformée en certitude ou suffire à considérer l’existence comme suffisamment établie. Si c’est le cas, le caractère fondé en titre de votre droit pourra être reconnu pour les raisons suivantes :

Les arrêts du Conseil d’Etat, « SA Laprade Energie », du 5 juillet 2004 et « M. A », du 16 janvier 2006 sont assez précis sur le fait :

- que sur un cours d’eau non domanial, sont regardées comme fondées en titre les prises d’eau qui, soit ont fait l’objet d’une aliénation comme bien national, soit sont établies en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux

- qu’une prise d’eau est présumée établie en vertu d’un acte antérieur à l’abolition des droits féodaux dès lors qu’est prouvée son existence matérielle avant cette date

- qu’un droit fondé en titre ne peut s’éteindre que par la ruine des ouvrages ou le changement de leur affectation, ne permettant plus l’utilisation de la force motrice

- qu’en revanche ni la non utilisation des ouvrages sur une longue période de temps, ni leur délabrement n’entraînent l’extinction du droit qui leur est attaché.

Pour le cas précis du moulin de xxx, compte tenu encore une fois des éléments que vous avez transmis, la circonstance que le barrage ait été « démoli » par une crue en 1928, ne permet pas d’affirmer qu’il y a eu « ruine des ouvrages » au sens de la jurisprudence précitée, mais plutôt que l’ouvrage était endommagé. Cette interprétation se fonde sur le fait que les éléments d’identification et de fonctionnement de l’ouvrage (fosse de la roue, canal d’amenée et exutoire, etc.) n’avaient semble-t-il pas disparu.

Par ailleurs, la jurisprudence précitée affirme également que la consistance d’un droit fondé en titre est présumée, sauf preuve du contraire, conforme à sa consistance actuelle, et que la charge de la preuve du contraire revient à l’administration. Si les éléments physiques constatables (repères, marques anciennes), les documents historiques existants (plan ancien du vannage en bois existant avant 1931 que vous dîtes avoir en leur possession, par exemple) et les données hydrologiques, ne permettent pas de prouver que les différents travaux effectués sur les ouvrages, y compris ceux autorisés en 1932, ont eu pour conséquence de modifier à la hausse la consistance du droit fondé en titre, ce droit doit être reconnu. Le fait même que cette consistance serait modifiée, n’entraînerait d’ailleurs pas l’extinction de ce droit mais la soumission de cette seule augmentation de puissance au régime normal de la loi de 1919. Si les ouvrages pouvaient être aménagés pour limiter l’utilisation possible de la seule consistance fondée en titre, aucune autorisation nouvelle ne serait à exiger.

Je signale à cette occasion que le document juridique « L’eau et la lumière » rédigé par M. Moreau, auquel vous faîtes référence et joint à votre dossier, est erroné lorsqu’il affirme que toutes les installations hydroélectriques de moins de 150 kw sont exclues de l’application de la loi de 1919. L’exclusion faite à l’article 18, ne concerne que les installations de moins de 150 kw existantes et déjà autorisées avant l’entrée en vigueur de la loi de 1919. Les installations réalisées après cette date sont toutes soumises à autorisation au titre de la loi de 1919, de + 0 à 4 500 kw.

La circonstance qu’un arrêté ait été pris en 1932 au titre de la loi de 1919 pour la reconstruction du barrage endommagé par la crue et que le propriétaire de l’époque n’ait pas fait prévaloir son droit fondé en titre (peut-être par ignorance), n’est en rien un élément susceptible d’éteindre juridiquement ce droit s’il est a posteriori prouvé.

J’ai donc demandé à Monsieur le préfet du Pas de Calais de traiter votre demande de mise en place d’une roue avec récupération de l’électricité produite dans le respect de ces éléments de jurisprudence. Si l’existence de votre moulin avant 1789 est établie, il pourra néanmoins vous conseiller voire établir des prescriptions particulières au titre de la loi sur l’eau si elles s’avèrent nécessaires à la protection des éléments définis au L.211-1 du code de l’environnement.

L’arrêté de reconnaissance de ce droit, pourra, pour en préciser la consistance, reprendre des éléments du règlement d’eau de 1932, modifié par l’arrêté de 1936, s’il s’avère que les éléments relatifs aux ouvrages, hauteur de chute, puissance installée, correspondent a priori à la consistance fondée en titre supposée.

Je précise en tous les cas que la présente lettre ne constitue pas en elle-même une reconnaissance de votre droit fondé en titre, mais un rappel des conditions à respecter pour en confirmer l’existence ou l’infirmer. Il appartient au préfet du Pas de calais, au vu de l’ensemble des éléments de détails concernant votre ouvrage et des éléments de jurisprudence précités, de reconnaître ou non ce droit et d’en rappeler la consistance.

Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Le sous-directeur des milieux aquatiques

Et de la gestion des eaux

Noël GODARD