Vous êtes ici : Accueil > Juridique > Les moulins fondés en titre - Modifications > Moulin fondé en titre et modifications > Même sur un moulin fondé en titre, le Préfet peut prendre toute prescription (...)
Publié : 24 janvier 2013

Même sur un moulin fondé en titre, le Préfet peut prendre toute prescription justifiée par la nécessité de préserver les milieux aquatiques (2005)

COUR ADMINISTRATIVE D’APPEL DE LYON
Lecture du 1 mars 2005

...

Vu la requête présentée pour la SARL DECOUR, ... ;

Elle demande à la Cour :

1°) d’annuler le jugement n° 97780 en date du 27 décembre 1999 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation des articles 3 alinéa 7, 5 alinéa 2 et 6 de l’arrêté du 18 avril 1997 par lequel le Préfet du Puy de Dôme a fixé le règlement d’eau de la micro centrale de Saint-Gervais-Sous-Meymont et l’a autorisée à utiliser l’énergie hydraulique de la rivière La Dore ;

2°) à titre principal, d’annuler cet arrêté dans son ensemble ;

3°) à titre subsidiaire, d’annuler cet arrêté en tant que son article 3 fixe à 15 % le débit réservé, son article 5 prévoit la création d’une échancrure munie d’une échelle à poissons dans la digue en rive droite de la rivière de 2, 60 m sur 0, 45 m et son article 6 impose la création d’une échelle à poissons par bassins séparés en rive gauche ainsi qu’une échelle à poissons par bassins successifs en rive droite et une grille immergée sur la drome ;


...

Considérant qu’en 1996 la SARL DECOUR a repris l’exploitation d’une micro centrale hydroélectrique située sur les territoires des communes de Saint-Gervais-Sous Meymont et Olliergues, qui utilise l’énergie hydraulique de La Dore , cours d’eau non domanial, que le Préfet du Puy de Dôme avait réglementée par un arrêté du 20 juin 1900 ;

que par un arrêté complémentaire en date du 18 avril 1997, le Préfet du Puy de Dôme a autorisé la SARL DECOUR à utiliser l’énergie hydraulique de La Dore en assortissant cette autorisation d’un certain nombre de prescriptions ;

que par un jugement du 27 décembre 1999, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté la demande de la SARL DECOUR tendant à l’annulation de cet arrêté en tant que l’alinéa 7 de son article 3 fixe à 15 % le débit réservé, que l’alinéa 2 de son article 5 prévoit la création d’une échancrure munie d’une échelle à poissons dans la digue en rive droite de la rivière de 2, 60 m sur 0, 45 m et que son article 6 impose la création d’une échelle à poissons par bassins séparés en rive gauche et une échelle à poissons par bassins successifs en rive droite ainsi qu’une grille immergée sur la drome ;

Sur l’intervention de la FEDERATION DU PUY DE DÔME POUR LA PÊCHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE :

Considérant que, eu égard à sa mission de mise en valeur et de surveillance du domaine piscicole départemental, la FEDERATION DU PUY DE DÔME POUR LA PÊCHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE a intérêt au maintien de l’arrêté contesté ; qu’ainsi, contrairement à ce que soutient la SARL DECOUR, son intervention est recevable ;

Sur la recevabilité des conclusions de la SARL DECOUR tendant à l’annulation totale de l’arrêté du 18 avril 1997 :

Considérant que la SARL DECOUR qui n’avait demandé, en première instance, que l’annulation partielle de l’arrêté contesté n’est pas, comme le soutient le ministre, recevable à présenter pour la première fois en appel des conclusions nouvelles tendant à l’annulation totale de cet arrêté ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont qualifié de légalité externe le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 11 du décret du 6 novembre 1995, invoqué par la SARL DECOUR dans son mémoire complémentaire enregistré au greffe du tribunal le 29 avril 1998 ;

qu’ils l’ont écarté comme étant constitutif d’une demande nouvelle ;

qu’il ressort des écritures de la SARL DECOUR que, par ce moyen, elle entendait, non pas mettre en cause la légalité externe de la mesure contestée, mais seulement préciser un moyen de légalité interne précédemment invoqué dans sa demande initiale selon lequel son installation ne relevait pas du régime d’autorisation de droit commun mis en place par la loi susvisée du 3 janvier 1992 ;

que si les premiers juges ont estimé à tort que ce moyen n’était pas recevable, cette seule circonstance est sans influence sur la régularité du jugement dès lors que, par ce même jugement, le tribunal a statué sur le bien fondé de l’application à l’activité en cause du régime d’autorisation de droit commun ;

que, par suite, la SARL n’est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier ;

Sur la légalité des prescriptions contestées de l’arrêté du 18 avril 1997 :

Considérant qu’en vertu de l’article 11 du décret du 6 novembre 1995 susvisé : Sont également considérées comme autorisées, en application de l’article 10 de cette loi [loi sur l’eau du 3 janvier 1992] les usines fondées en titre dans la limite de leur consistance légale ;

qu’aux termes de l’article L. 215-10 du code de l’environnement, qui s’est trouvé substitué à l’article 109 du code rural : I. Les autorisations ou permissions accordées pour l’établissement d’ouvrages ou d’usines sur les cours d’eaux non domaniaux peuvent être révoquées ou modifiées sans indemnité de la part de l’Etat exerçant ses pouvoirs de police dans les cas suivants : ... 5º Pour des raisons de protection de l’environnement et notamment lorsque ces autorisations soumettent les milieux naturels aquatiques à des conditions hydrauliques critiques non compatibles avec leur préservation selon les modalités fixées par décret en Conseil d’Etat. II. - Les dispositions du I sont applicables ...aux établissements ayant une existence légale ... ;

que selon l’article L. 432-5 du même code, qui s’est trouvé substitué à l’article L. 232-5 du code rural : Tout ouvrage à construire dans le lit d’un cours d’eau doit comporter des dispositifs maintenant dans ce lit un débit minimal garantissant en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux au moment de l’installation de l’ouvrage ainsi que, le cas échéant, des dispositifs empêchant la pénétration du poisson dans les canaux d’amenée ou de fuite. Ce débit minimal ne doit pas être inférieur au dixième du module du cours d’eau au droit de l’ouvrage correspondant au débit moyen inter-annuel, évalué à partir des informations disponibles portant sur une période minimale de cinq années, ou au débit à l’amont immédiat de l’ouvrage, si celui-ci est inférieur... Les dispositions prévues aux alinéas précédents sont étendues aux ouvrages existant au 30 juin 1984 par réduction progressive de l’écart par rapport à la situation actuelle. Ces dispositions s’appliquent intégralement au renouvellement des concessions ou autorisations de ces ouvrages. A compter du 30 juin 1987, leur débit minimal, sauf impossibilité technique inhérente à leur conception, ne peut être inférieur au quart des valeurs fixées aux deuxième et troisième alinéas du présent article ;

Considérant qu’il résulte des dispositions précitées que, dans l’exercice de ses pouvoirs de police de l’eau, l’Etat peut imposer à l’exploitant de toute installation existante, y compris fondée en titre, des conditions destinées à préserver les milieux naturels aquatiques ;

Considérant qu’il résulte de l’instruction et il n’est pas contesté que l’usine exploitée par la SARL DECOUR est fondée en titre au sens de l’article 11 ci-dessus du décret du 6 novembre 1995 susvisé ;

que même en admettant que la consistance légale de son installation n’aurait subi depuis sa création aucune modification susceptible d’en augmenter la force motrice, l’administration pouvait légalement prendre à son égard, sur le fondement des dispositions ci-dessus du code de l’environnement, toute prescription justifiée par la nécessité de préserver les milieux aquatiques ;

que, par suite, la SARL DECOUR ne saurait utilement se prévaloir, à l’appui de ses conclusions dirigées contre les articles 3, 5 et 6 de l’arrêté litigieux, de ce qu’elle est fondée en titre et de ce que depuis l’origine la consistance légale de ses installations serait demeurée inchangée ;

Considérant que contrairement à ce que soutient la SARL DECOUR, les dispositions précitées de l’article L. 432-5 du code de l’environnement ne font pas obstacle à ce qu’un débit supérieur au débit minimal prescrit soit fixé pour assurer en permanence la vie, la circulation et la reproduction des espèces qui peuplent les eaux en cause ;

que la fixation du débit réservé à 15% du débit moyen inter-annuel de la Dore est, ainsi qu’il ressort de l’arrêté litigieux et non contesté, justifiée par la nécessité de satisfaire les exigences de la vie piscicole et notamment celles de la migration des saumons ;

que, par suite, la SARL DECOUR n’est pas fondée à soutenir que la Dore ne présenterait aucune particularité propre à justifier un débit réservé de 15% ;

Considérant que si la SARL requérante prétend que l’arrêté contesté, qui lui assigne le maintien de la brèche en rive gauche et la création d’une échancrure de 2,60 m sur 0,45 m dans la digue en rive droite de la rivière, l’obligerait à garantir un débit réservé supérieur à la valeur de 15% fixée dans l’arrêté préfectoral, elle ne fournit, à l’appui de ses allégations, aucune note de calcul détaillée qui en démontrerait le bien fondé ; que, dès lors, ce moyen ne peut qu’être écarté ;

Considérant qu’il ne résulte pas des termes de l’article 5 de l’arrêté litigieux et de la lettre du 22 avril 1997 portant notification de cet arrêté une contradiction de motifs, ces documents indiquant seulement que, pour ce qui concerne la rive droite, la circulation des poissons vers l’amont sera assurée par l’aménagement de bassins successifs pouvant être réalisés sous forme d’enrochements ;

Considérant que l’obligation imposée à la SARL requérante d’installer des grilles immergées accrochées à une drome flottante tend à satisfaire l’un des objectifs énoncés à l’article L. 432-5 ci-dessus d’éviter la pénétration de poissons dans les canaux d’amenée ou de fuite ;

qu’à supposer même qu’une telle prescription soit gênante pour l’exploitation de la centrale, cette seule circonstance ne serait pas de nature à affecter la légalité de la prescription correspondante ;

Considérant que le moyen tiré de l’atteinte à l’égalité de traitement des exploitants d’installations hydroélectriques implantées sur la Dore est inopérant et doit être écarté ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la recevabilité de la demande présentée par la SARL DECOUR devant le tribunal, que cette dernière n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu’en sa seule qualité d’intervenante volontaire et non de partie à la présente instance, la FÉDÉRATION DU PUY DE DÔME POUR LA PÊCHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE, n’est pas fondée à demander le bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions qu’elle a présentées à ce titre doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : L’intervention de la FÉDÉRATION DU PUY DE DÔME POUR LA PÊCHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE est admise.

Article 2 : La requête de la SARL DECOUR est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par la FÉDÉRATION DU PUY DE DÔME POUR LA PÊCHE ET LA PROTECTION DU MILIEU AQUATIQUE au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.