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Publié : 1er mars 2013

Les canoés ne doivent pas passer en posant le pied sur berge ou barrage

COUR D’APPEL DE BORDEAUX


Le 28 AVRIL 2003

Par jugement du 28 juin 2001, auquel la Cour se réfère expressément pour l’exposé des faits, de la procédure et des prétentions initiales des parties, le Tribunal de Grande Instance d’ANGOULEME, dans l’instance opposant Louis GILLET, Henri SEGUIN, John BROADFOOT, Roland MANTOPOULOS et Marie-Thérèse CHAUVIN (ci après Louis GILLET et autres), propriétaires de moulins sur les berges de la Charente, à la communauté de communes de RUFFEC, organisant des descentes en canoë sur la rivière, a fait interdiction à cette dernière de faire passer des canoës ou autres engins flottables posant pied sur les berges et les barrages appartenant à Louis GILLET et autres, ou lorsque le film d’eau est insuffisant, sous astreinte de 2.500 Frs (381, 12 E) par infraction constatée, tout en déboutant les demandeurs de leur demande de dommages et intérêts, sous le bénéfice de l’exécution provisoire et a condamné la communauté de commune de RUFFEC à payer à l’ensemble des demandeurs la somme de 6.000 Frs ( 914,69 £) au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre tous les dépens.

La communauté des communes de RUFFEC a interjeté appel de cette décision le 18 juillet 2001. Dans ses conclusions signifiées et déposées au greffe le 22 Avril 2001 elle soutient que le principe de la libre circulation nautique sur tous les cours d’eaux, s’exerçant sous la seule réserve des réglementations du Ministère de la Jeunesse et des Sports, de la Police de la navigation préfectorale et de la police de l’eau préfectorale ne peut être remis en cause par les propriétaires riverains d’un cours d’eau notamment en créant des obstacles constituées par les "chaussées", contraignant les canoëistes à les franchir à terre en portant leur embarcation en contravention avec l’article 10 VII de la loi du 3 janvier 1992.

Elle ajoute qu’aucun élément objectif ne vient établir l’existence du trouble allégué par les demandeurs.

Elle conclut dès lors à la réformation de la décision entreprise et à la condamnation de Louis GILLET et autres à lui payer solidairement la somme de 3.000 E au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre tous les dépens.

Louis GILLET et autres, dans leurs écritures signifiées et déposées au greffe le 18 septembre 2002, demandent à la cour de confirmer le jugement ayant interdit le passage des canoës sur les berges et barrages sous astreinte de 381,12 C par infraction constatée.

Ils font valoir que le franchissement des chaussées et l’empiètement sur les berges constituent une atteinte à leur droit de propriété et demandent en conséquence qu’il soit fait interdiction à la communauté de communes de passer ou de faire passer des canoës et autres engins flottables sur les berges de la CHARENTE incluses dans leurs propriétés, d’accoster, de débarquer ou d’embarquer sur les dites berges sous astreinte de 381,12 C par infraction constatée tout en condamnant cette dernière, infirmant de ce chef le jugement déféré, à leur payer à chacun la somme de 3.000 £ à titre de dommages et intérêts, outre celle de 3.000 e, au titre de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, et tous les dépens.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 24 février 2003.

MOTIFS DE LA DECISION

Attendu qu’ il est constant que la communauté de communes de RUFFEC organise à partir de la base nautique de REJALLANT des descentes en canoë-kayak, avec location du matériel approprié, dans le lit de la CHARENTE en bordure duquel les divers intimés sont propriétaires de moulins ;

Attendu qu’ après avoir rappelé les dispositions de l’article 2 de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992, posant en son principe que l’eau fait partie du patrimoine commun de la nation, aux termes desquelles celles ci "ont pour objet une gestion équilibrée de la ressource en eau ... de manière à concilier lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences de l’agriculture, des pêches et cultures maritimes, de la pêche en eau douce, de l’industrie, de la production d’énergie, des transports, du tourisme, des loisirs et des sports nautiques..." et d’autre part celles de l’article 6 alinéa Ier de la même loi, devenu article L214-12 du Code de l’Environnement, selon lesquelles "en l’absence de schéma d’aménagement et de gestion des eaux approuvé, la circulation sur les cours d’eau des engins de loisirs nautiques non motorisé s’effectue librement dans le respect des lois et règlements de police et des droits des riverains", c’est par des motifs pertinents que la Cour fait siens que les premiers juges ont retenu que si l’exercice d’activités nautiques ne constitue pas en soi un fait attentatoire au droit de propriété des riverains dans la mesure, où seuls les berges et le lit de la rivière sont leur propriété, le cours d’eau lui rnême étant au bénéfice de tous, il en est différemment lorsque, comme en l’espèce, l’exercice de ces activités entraîne piétinement, embarquement et débarquement sur les berges, ce qui constitue une atteinte au droit de propriété des riverains ;

Attendu que pour rejeter les critiques formulées par la communauté de communes de RUFFEC la Cour retiendra tout d’abord que la preuve de l’atteinte au droit de propriété des intimés est rapportée d’une part par les diverses attestations qu’ils versent régulièrement aux débats relatant les débarquments et embarquements des canoëistes passant sur les berges parfois à quelques mètres des tables et chaises installées par les propriétaires riverains pour jouir de leur propriété illustrées par les photographies produites aux débats et d’autre part par le constat de Maître LASNIER, huissier de justice à MANSLES, des 9, 15 juillet et 28 août 2001 décrivant de la même manière des canoéistes heurtant la chute de moulins et passant soit avec difficultés compte tenu du faible niveau de l’eau, soit en posant pied sur les berges attenantes que par ailleurs l’appelante ne saurait invoquer les dispositions de l’article 27 de la loi du 2 février 1995, devenu le second alinéa de l’article L214-12 du Code de l’Environnement précité, selon lesquelles "le Préfet peut, après concertation avec les parties concernées, réglementer sur des cours d’eau ou partie de cours d’eau non domaniaux la circulation des engins nautiques de loisirs non motorisés ou la pratique du tourisme, des loisirs et des sports nautiques afin d’assurer la protection des principes mentionnés à l’article L211-1" alors qu’aucune réglementation préfectorale n’a jamais été édictée en l’espèce ;

qu’enfin elle ne saurait davantage avancer sa proposition de convention en vue d’installer "des passes à canoës" en produisant celles signées par certains propriétaires riverains alors que les intimés ne sont pas signataires de telles conventions ;

Attendu que le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qui concerne l’interdiction de passage sous astreinte ;

Attendu qu’ en ce qui concerne leur préjudice, les intimés font justement grief au premier juge de les avoir déboutés de leur demande de dommages et intérêts tout en constatant que les débarquements et embarquements, attestés par les pièces versées aux débats, occasionnaient des désagréments, ceux ci fussent ils passagers et épisodiques ;

qu’en conséquence la décision entreprise sera infirmée de ce chef, la Cour trouvant dans la cause les éléments d’appréciation suffisants pour allouer à chacun des demandeurs initiaux la somme de 300 E à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que succombant en son appel la communauté de communes de RUFFEC supportera les dépens et ne saurait voir accueillir sa demande sur le fondement de l’article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civil, l’équité commandant de faire bénéficier les intimés des dispositions de ce texte eii leur allouant, alors qu’ils ont fait une défense commune, la somme de 2.000 E ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Reçoit la communauté de communes de RUFFEC en son appel principal régulier en la forme mais le dit non fondé.

Réformant le jugement entrepris sur la demande de dommages et intérêts des intimés uniquement en ce qu’il a débouté ces derniers de cette demande et statuant à nouveau de ce seul chef :

Condamne la communauté de communes de RUFFEC à payer à Louis GILLET, Henri SEGUIN, Marie Thérèse CHAUVIN, John BROADFOOT et Roland MANTOPOULOS la somme de 300 E à chacun à titre de dommages et intérêts,

Confirme pour le surplus le jugement du Tribunal de Grande Instance d’ANGOULEME du 28 juin 2002,

Y ajoutant,

Condamne la communauté des communes de RUFFEC à payer à l’ensemble des intimés la somme de 2.000E au titre del’article 7OO du Nouveau Code de Procédure Civile,

La condamne aux dépens et autorise la S.C P. -ARSENE HENRY et LANCON avoués à la Cour, à recouvrer directement ceux dont elle a pu faire l’avance sans avoir reçu provision,